Après mes interviews avec Sébastien Morin , Frank Kuhn et Arnaud Ferec , j’accueille aujourd’hui Vincent Dziagwa, préparateur physique du club de basket de la JSF Nanterre (pro A) et qui est l’un des seuls préparateurs physique en France (dans le milieu du basket) à être employé à plein temps par un club... Merci beaucoup à toi Vincent d’avoir pris le temps de répondre à mes questions!

1- Salut Vincent, peux-tu te présenter stp ?

Salut Thomas. Tout d’abord je tiens à saluer ton initiative, la volonté de rassembler certains professionnels de la préparation physique pour se présenter et donner son point de vue sur l’état de la prépa physique dans le basket français est très importante, faire un bilan pour essayer de trouver des solutions.

Pour mon cas personnel, je suis arrivé depuis peu dans le milieu pro. Passionné par le sport, je me suis engagé dans la filière universitaire STAPS en 2003, car je souhaitais travailler dans ce domaine. L’envie de devenir préparateur physique est arrivée progressivement.

J’ai passé mes 2 premières années de Licence STAPS à l’Université de Marne-la-Vallée. En 2006, je suis allé à celle d’Orsay afin de pouvoir rentrer en 3ème année de Licence, option « entraînement sportif ». En parallèle, j’ai réalisé mon premier stage d’observateur dans la PP au centre de formation du Paris-Basket-Raçing. En 2007, j’ai passée le Diplôme Universitaire de Préparation Physique (DUPP) à Dijon. J’ai eu ma première expérience d’intervenant dans l’équipe d’Excellence Région de Noisy-le-Grand (93). L’année d’après, j’ai obtenu le Diplôme Universitaire Européen de Préparation Physique en Sports Collectifs (DUEPPSC) de Lyon. Année durant laquelle j’ai bifurqué vers le handball féminin dans la première division française et la Coupe d’Europe, dans le club d’Issy-les-Moulineaux Handball.

En 2009, j’ai intégré un Master STAPS, option Préparation Physique, Mentale et Réathlétisation (PPMR) à Lyon. C’est cette année où je suis arrivé à la JSF Nanterre. On m’a offert l’opportunité d’intégrer le centre de formation de la JSF Nanterre en tant que stagiaire.

En 2010, en passant le Master 2, j’ai pris la main sur l’équipe professionnelle, évoluant à l’époque en Pro B. On a terminé 1er de la saison régulière et avons été Champion de France de Pro B à Bercy.

Cette année, après avoir fini mon Master Préparation Physique, Mental et Réathlétisation, je suis devenu salarié au club. Je m’occupe du centre de formation (cadets et espoirs) et de l’équipe professionnelle. Notre objectif est simple : le maintien.

2- Comment ton parcours t’a-t-il amené à travailler dans le basket ?

Depuis tout jeune, je pratique une activité physique sportive. Après avoir essayé plusieurs sports, j’ai choisi le basket à l’âge de 7 ans. J’ai été joueur et entraîneur (diplômé de l’entraîneur-Région).

Le basket est une passion, est le sport que je connais le mieux. J’ai toujours baigné dans ce milieu. Cela m’a permis de rencontrer des personnes qui m’ont donné des numéros de téléphones d’amis à eux pour avoir des contacts, des personnes qui m’ont ouvert des portes et c’est cela qui a fait ce que mon parcours est aujourd’hui.

3-  La préparation physique dans le basket français : quel regard y portes-tu ?

J’ai malheureusement le même avis que les collègues que tu as interviewé précédemment : le basket français n’y est pas du tout. La pauvreté de la préparation physique dans le basket français est importante. Comment est-il possible que dans le championnat élite du basket français il n’y a pas de préparateurs physique à temps plein dans tous les clubs ? Que certains clubs font même le choix de s’en passer intégralement ? Nous observons pourtant que dans l’élite des autres sports-collectifs, comme le rugby et le foot, il y a plusieurs PP par équipes.

L’explication de ce constat est pourtant simple : la préparation physique dans le basket français est un gadget dans lequel certains clubs peuvent choisir de ne pas investir, sans « effet néfaste vitale ». Illustration pour expliquer ce constat, une équipe de basket de Pro A est devenu Championne de France très (très !) récemment en ne faisant qu’une séance cardio durant toute la saison ! Parole d’ancien joueur ! Une séance de 15’’/15’’ le premier jour de la reprise de la saison, aussi inutile que dangereuse ! Point final. Et pour ce qui est du travail de force : ouverture de la salle de musculation aux joueurs, qui travaillaient comme ils le voulaient, sans encadrant, sans objectif, ni planif !!!

La préparation physique dans le basket deviendra indispensable le jour où la plupart des équipes emploieront des professionnels à ce poste et disposeront d’une vrai plus-value. Cela tirera le Championnat de France professionnel vers le haut, et rendra les équipes plus compétitives dans les coupes d’Europe. Du coup, le club qui n’aura pas de PP connaîtra des répercussions sportives négatives, se trouvera handicapé et échouera systématiquement dans leurs objectifs. C’est uniquement cette dernière raison qui poussera les dirigeants et entraîneurs de clubs à investir dans cette fonction. Le PP passera alors d’un statu de « gadget » à un statut d’employé indispensable dans le staff, au même titre que les kinés et les coachs.

Le monde du basket néglige trop ce domaine : les présidents, les entraîneurs… et nous-même ! Je rejoins l’avis Arnaud Ferrec lorsqu’il dit que nous, les préparateurs physiques, ne faisons pas encore en sorte de rendre la préparation physique indispensable dans le basket : Travaillons, spécifions, optimisons, évaluons, formons-nous !

Les présidents n’investissement pas assez dans ce domaine, ne consacre pas/pas assez de budget à cette fonction, la plupart des entraîneurs négligent l’intérêt de l’investissement à plein temps et durant toute la saison d’un préparateur physique sur l’équipe professionnelle.

Et pourtant, son rôle est important : il est là pour maintenir l’état de forme dans un état optimal toute l’année, mettre en place des pics de formes durant la saison, faire des profils physiques des joueurs grâce à des tests, déceler des faiblesses physiques et y répondre en élaborant des objectifs et des programme d’entraînements, limiter le risque de blessure en mettant en place des méthodes et des exercices de prophylaxie, accompagner le joueur dans des programmes de réathlétisation lorsqu’il sort de blessure (éviter la récidive, accélérer le retour en forme sur le terrain), et former les jeunes joueurs !

Le problème constaté est également du à la structure et la nature du basket. Quel est l’intérêt pour un club (à part de la fierté) d’investir de l’argent dans la formation des jeunes joueurs, et dans le suivi et l’entretient des joueurs pro, d’engager des préparateurs physiques ? En football, acheter un jeune joueur, ça se paye cher, des millions, donc il y a un intérêt vital de former.

Au basket, le club à la possibilité de « piocher » gratuitement dans un réservoir illimité de jeunes joueurs talentueux qui s’appelle la NCAA, ou parmi le très grand nombre de joueur libre. Ce dernier aspect est du à la très courte durée des contrats, qui sont souvent d’1 an, et dépasse très rarement les 2 ans. De grandes quantités de joueurs se retrouvent donc libres et gratuit chaque année, les clubs n’ont plus qu’à choisir, et ceci sans dépenser le moindre euro à « l’achat ». Il n’est pas question de montant de transfert astronomique, comme au foot. Sans parler des possibilités d’engager des nouveaux joueurs en cours de saison, ou des pigistes médicaux de 6 semaines si besoin.

Pour toutes ces raisons, le basket réfléchit à très court terme, et complique l’implantation de la préparation physique comme une profession à part entière et évalué à sa juste valeur.

Cependant, je pense que cela va évoluer et que ce métier sera bientôt intégré à part entière dans l’ensemble des clubs. Mais malheureusement pas demain.

4- Tu travailles à temps plein pour le club de Nanterre. Interviens-tu « seulement » auprès de l’équipe pro ou également auprès d’autres équipes du club ? Comment s’organise tes semaines ?

Au club de la JSF Nanterre, je travaille avec les joueurs du centre de formation – cadets et espoirs – et avec l’équipe professionnelle.

Actuellement, une semaine type de championnat s’organise de la façon suivante :

Lundi : réunion avec le staff pro (debriefing du match de l’équipe professionnelle, des profils et état de forme de chacun, préparation de la semaine d’entraînements, bilan) +entraînement physique avec les pros + séance avec les joueurs C2F

Mardi : Echauffement de l’entraînement basket pro + Séance avec C2F

Mercredi : Matin séances supplémentaires individualisés avec les pro ou séance physique collective avec pro + Séance avec C2F

Jeudi : Séance physique avec les pros en fonction des semaines + séance physique C2F

Samedi : journée match, Domicile, présence dans le Palais des sports de 15h30 à 23h (Echauffement des équipes espoirs et professionnelles)

Extérieur : départ le matin en TGV avec l’équipe Espoir chez les adversaires du jour, Echauffement des Espoirs+ présence au match +soit :

1. Accompagnement des joueurs espoirs sur Nanterre juste après le match

2. Echauffement + présence au match pro, retour après le match.

Echauffement d’avant match-JSF Nanterre

5- Avec tes équipes, travailles-tu en collectif ? En individuel (en fonction des blessures mais aussi en

fonction des points faibles à améliorer) ?

Exactement ! Cela fait maintenant presque 3 ans que je bosse dans ce club. Et progressivement, l’organisation de la préparation physique s’est mise en place, a pris de l’importance. Aujourd’hui, avec l’équipe pro, priorité du club, j’ai des séances collectives, qui suit la planification annuelle, avec parfois des adaptations, et des séances individuelles. Celles-ci peuvent aussi bien avoir comme objectifs d’améliorer les points faibles de certains joueurs (déficit musculaire, faible niveau cardio…) que d’optimiser le retour de certains joueurs après une blessure (réathlétisation, travail d’appuis, musculaire, cardio, d’équilibre). Certains joueurs peuvent avoir 1, 2 voire 3 séquences d’entraînements individuelles, en plus des entraînements collectifs par semaine. Après, il faut être vigilent sur la charge d’entraînement global hebdomadaire pour que le joueur soit frais pour le match, et ne pas trop lui tirer dessus pour qu’il ne connaisse pas non plus une accumulation de fatigue à la longue qui ait des conséquences négatives (blessure, manque de fraicheur de l’organisme, fatigue nerveuse).

Séance avec élastique (Covile, Diarra, Passave-Ducteil,)

6- Comment fais-tu pour continuer à progresser dans ta pratique ?

Afin de progresser dans le travail que je mets en place, les colloques (INSEP, DUPP, université…) et les échanges entre les collègues me permettent de voir ce qui se pratique à l’extérieur, de découvrir des nouvelles tendances, de remettre en question ce que je fais sur le terrain. A travers mes différentes formations, j’ai très vite compris qu’il n’y avait pas de recette magique dans la prépa physique, mais qu’il y avait différentes façons de bosser. Tant mieux, car j’aime bien faire évoluer mes méthodes d’entraînements, aussi bien pour les joueurs, pour maintenir la motivation que pour moi, car cela ne m’amuse pas non plus de faire 10 fois la même chose. Ce que j’aimerai faire, c’est traverser l’Atlantique pour assister à des colloques et des entraînements en Amérique du Nord. Je serais aussi curieux d’observer les méthodes d’entraînements de l’Espagne, qui est le pays européen qui a obtenus de grands titres internationaux ces dernières années dans tous les sports.

7- Quel genre de coach es-tu ? comment tes basketteurs avec qui tu travailles te décriraient ?

Dur, exigent, à l’écoute et proche d’eux.

Une chose est sure : dans une séance, on peut mettre en place n’importe quelle méthode, n’importe quel matériel, si le joueur ne souhaite pas s’impliquer à fond, les progrès ne seront pas optimaux. Avec un joueur motivé, il n’y a jamais de difficulté à l’emmener là où on le souhaite. Certains joueurs te suivent dans l’entraînement avec force, sueur et détermination. Avec ces derniers, j’en profitent pour leur en demander le maximum ! « Tiran », « assassin », tous les petits surnoms auxquelles les préparateurs physiques ont le droit fusent à la suite de certains efforts ! Je ne vous parle même pas des séances de course ingrates sur le terrain, où le regard de certains en dit long ! Mais on est là pour ça, le club nous embauche pour ça. On symbolise la rigueur d’entraînement, que certains joueurs préfèrent oublier pour rester dans leur petit confort.

D’autre joueurs trainent un peu plus les pieds, ont du mal à accepter le dépassement de soit, une valeur pourtant indispensable dans la recherche de la performance optimale. C’est là je suis davantage dans le dialogue, où j’essaie de leur faire comprendre ce qu’il est important pour qu’ils puissent s’épanouir sur le terrain.

8-T ’entraînes-tu personnellement? A quelle fréquence et sous quelle forme ?

Oui ! Il est indispensable pour moi de pratiquer. Je m’organise autour de mon planning. Je fais du basket 1 à 2 fois par semaine avec des amis et des collègues du club, 1 ou 2 cardio par semaine (course, vélo…). Je fais du renforcement musculaire environ 3 à 4 fois par semaine, je teste les différentes méthodes d’entraînements, les différents matériels. Je teste le matériel pour me faire ma propre idée de son utilisation et de son intérêt. J’aime repousser mes limites dans l’effort, mais je pense que c’est un peu pour ça qu’on est tous dans ce milieu !

9- Pour finir, portrait chinois

I. Si tu étais un sportif de haut niveau, qui serais-tu ? Pourquoi?

Je n’ai pas de sportifs que j’idolâtre en particulier, mais aujourd’hui j’aimerai, ne serais- ce que pour un jour, avoir le corps de Blake Griffin, l’ailier fort des Los Angeles Clippers ! Quel athlète, c’est incroyable !! 2m08, 115kg, très peu de masse maigre. Une explosivité incroyable pour son gabarit. Avec ses qualités, je ferais le Slam Dunk Contest tous les jours ! Ce qui m’impressionne d’autant plus, c’est sa capacité à être revenu au top, voire même plus fort, après sa fracture de fatigue et sa saison blanche 2009/2010.

II. Si tu étais directeur/fondateur/président d’une multinationale ou d’une société qui tourne très fort, qui serais-tu ? Pourquoi ?

J’aurais aimé avoir le flaire de Mark Zuckerberg (sans la lâcheté dont on l’accuse !) et l’esprit novateur et visionnaire de Steve Jobs ! Le premier, co-fondateur de Facebook, il a fait de ce petit site de réseau social intranet dans son université le 2ème site internet le plus visité

du monde derrière Google ! Tandis que le second, il a révolutionné les fonctionnalités et l’utilisation des ordinateurs personnels et des téléphones portables, objets qui nous sont devenus indispensables dans le monde moderne !

III. Si tu étais un matériel de fitness, lequel serais-tu? Pourquoi?

Cela évolue en fonction de ce que je fais, de ce que je pratique, mais aujourd’hui, c’est sans aucun doute les élastiques que tu commercialise. L’objectif n’est pas de te faire de la pub lol, mais il est vrai que j’apprécie le côté attrayant de son utilisation, l’aspect spécifique à l’activité qu’on peut lui donner comme ils permettent au sportif d’avoir les bras libre (shoot, dribble, passe pendant l’exercice), le travail d’explosivité et de puissance des membres inf ainsi que le travail de gainage dynamique dans un mouvement spécifique.

Merci encore à toi Vincent!!

Si vous avez des questions ou des commentaires, exprimez-vous ci-dessous et Vincent se fera un plaisir d’y répondre.

Mange sain, entraine toi dur, récupere et recommence!!

Thomas